Transformation numérique : Les cinq facteurs essentiels en matière de gestion des talents

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Les transformations numériques — qu’elles soient opérées à l’échelle de l’entreprise ou qu’elles consistent en la création d’une jeune entreprise en analytique avancée au sein même de l’organisation — représentent un défi de taille. Nous avons souvent pu être témoins des obstacles auxquels ces transformations sont confrontées lors de leur mise en œuvre, et des difficultés que la haute direction éprouve à installer ces améliorations durablement.

Tout au long de cette transformation, la gestion des talents et la technologie jouent un rôle crucial, que ce soit au niveau de la planification et de l’embauche ou de la gestion et du développement. Nous avons récemment réexaminé plus de 30 transformations numériques à grande échelle qui ont eu lieu au cours des trois dernières années dans de nombreuses industries différentes. Notre objectif était de mieux comprendre les décisions en matière de talents et de technologie qui ont conduit ou fait obstacle au succès de ces programmes. Cinq thèmes centraux ont émergé de ces recherches (Figure 1).

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1. Embaucher des responsables du numérique seniors afin d’attirer les talents et d’affiner votre proposition de valeur

En définitive, le rendement est défini par vos stratégies en matière de talents et de technologie et par les compétences des gestionnaires seniors, comme les scientifiques de données, qui assurent la transformation.1 En effet, jusqu’à 50 % de la variabilité dans la rentabilité des groupes ou des unités est attribuable de manière individuelle aux gestionnaires. Ce sont eux/elles qui façonnent l’avenir de l’organisation de plusieurs manières : en sélectionnant et en recrutant les candidat·es, en établissant des normes techniques et en donnant le ton aux méthodes de travail (p. ex.; en collaborant, en innovant, en échouant ou en apprenant rapidement et en maintenant un niveau de qualité élevé). Sélectionner les bon·nes professionnel·les pour ces rôles est essentiel au succès de la transformation numérique. Il est donc crucial d’investir le temps nécessaire à la conduite de recherches approfondies.

Plus important encore, embaucher la bonne personne donne le ton aux recrutements suivants : le/la directeur·trice de la stratégie numérique (CDO) est un·e contributeur·trice clé de la proposition de valeur des employé·es de l’entreprise pour attirer les futur·es talents. Il est important de permettre aux CDO de recruter d’abord les professionnel·les les plus seniors afin de faciliter la recherche des meilleurs talents pour les rôles de scientifiques de données, d’ingénieur·es de données, d’ingénieur·es logiciel et d’architectes techniques. Après avoir pris en considération d’autres éléments de l’organisation — comme la pertinence de la marque et de l’histoire, la rémunération ou la manière dont l’entreprise aborde les questions relatives au style de vie — l’expérience et la crédibilité du/de la CDO sont un argument de poids pour attirer les meilleurs talents. Tous ces facteurs sont essentiels à une gestion du changement efficace. La qualité des rapports au/à la CDO joue un rôle très important dans l’obtention des premières victoires nécessaires pour gagner du terrain, comme le développement de produits numériques ou la mise en place d’une infrastructure technique réussis.

En règle générale, les organisations prennent le risque de mettre la réputation et la viabilité de leur programme en jeu si elles décident d’embaucher trop tôt. En effet, notre expérience nous a montré que prendre des raccourcis au moment des embauches peut retarder le processus de transformation de 6 mois à plus d’un an. Ainsi, les organisations devraient aller plus loin et donner les moyens aux responsables du numérique de réussir en assurant qu’ils/elles aient de l’influence et voix au chapitre et que le programme soit suffisamment large pour susciter l’engagement et la conviction des gestionnaires.

2. Repenser votre proposition de valeur pour attirer les talents du numérique

Même si le/la CDO joue un rôle important dans l’élaboration de la proposition de valeur de l’organisation, il y a des limites à ce qu’un·e gestionnaire peut faire seul·e. Il est important de prendre en considération le marché du travail et le bassin de talents, ainsi que les facteurs spécifiques à l’industrie dans laquelle vous évoluez afin de pouvoir adapter l’environnement de travail que vous proposez au contexte local. Vous ne serez pas nécessairement en concurrence avec les grandes entreprises technologiques comme Google et Amazon. En fait, il est plus courant que les entreprises soient en concurrence avec d’autres entreprises locales pour pourvoir leurs postes techniques clés. Par exemple, pour une société minière située dans une région isolée où les grandes entreprises ne sont pas présentes, la concurrence en matière d’attraction des talents du numérique vient essentiellement d’autres sociétés minières ou compagnies pétrolières. Cela étant dit, les compétences numériques ne sont pas spécifiques à une industrie, ce qui veut dire que des joueurs locaux d’autres secteurs, comme les services financiers, peuvent aussi vouloir attirer les mêmes talents.

Après avoir satisfait aux exigences minimales telles que le salaire ou une équipe de gestionnaires réputé·es, réfléchissez à la manière dont votre secteur d’activité peut répondre aux besoins spécifiques de chaque candidat·e. Pour sortir du lot, les entreprises doivent utiliser des technologies modernes, déterminer les facteurs de motivation spécifiques à une catégorie de candidat·es et ajuster leur proposition et leur environnement de travail en conséquence. Certaines industries offrent ce que les candidat·es recherchent. Par exemple, dans les secteurs de l’automobile, de l’industrie manufacturière et de l’énergie, il existe des occasions de répondre à des défis nouveaux, comme la transition vers une économie carboneutre, ou la possibilité de travailler avec des technologies de pointe. Vous pourriez également avoir la possibilité d’offrir des opportunités de développement, comme des programmes de formation réputés ou l’accès à des conférences éducatives.

Chez un joueur du secteur minier, la proposition de valeur a été révisée afin de répondre aux attentes des talents du numérique; chez une compagnie aérienne, ce sont les niveaux élevés de données disponibles et les solutions en jeu qui ont permis de rendre la proposition de valeur attirante aux yeux des meilleurs talents. Cela étant dit, les entreprises ont encore des obstacles à surmonter lorsqu’elles cherchent à attirer des talents du numérique, notamment pour les entreprises situées dans des régions éloignées. Mais il existe des solutions.

De plus, il est important de présenter une image précise de votre culture technologique : un mélange de compétences, de mentalités et de préférences de travail est nécessaire pour construire une organisation prospère et est préférable, même au sein d’une fonction technique donnée. Dans ce contexte, les employeurs devraient recruter des profils spécifiques qui correspondent au cadre global de l’organisation. Une définition claire des attentes liées aux différents profils peut permettre d’aller dans ce sens.

Par le passé, la culture a été l’obstacle principal à la création d’un impact dans le cadre des initiatives numériques.2 Les organisations doivent comprendre où elles en sont, développer une vision stratégique et culturelle claire et recruter leur personnel en se basant sur ces critères.

Enfin, la dynamique d’équipe au sein du paysage culturel est importante : les employeurs doivent accorder une attention particulière à leurs modèles de collaboration, en tenant compte de l’importance que certains employé·es accordent au travail avec des groupes ne relevant pas de leur propre spécialité, comme les ingénieur·s de données qui travaillent avec la fonction commerciale. En fonction des problèmes commerciaux à résoudre et du modèle de gouvernance qui orientera le travail, il est important de comprendre ce que les gens vivent au quotidien afin de les attirer en conséquence. Les groupes de pairs et le niveau de responsabilité attendu sont aussi importants. Assurez-vous de vendre le niveau d’une équipe à sa juste valeur. Une personne qui signe pour intégrer une équipe de professionnel·les chevronné·es et qui se retrouve à travailler sur des sujets moins complexes risque de perdre son intérêt pour votre entreprise et de chercher à partir.

3. Embauchez des talents numériques à l’interne, mais maintenez un niveau technique élevé et soyez réalistes quant au perfectionnement professionnel

Tous les talents numériques n’arrivent pas forcément de l’extérieur. Les entreprises disposent souvent d’un bassin de talents numériques non exploité. Pour commencer, les processus d’évaluation et d’embauche pour les fonctions techniques devraient inclure une évaluation des compétences techniques et ne pas se limiter à l’examen des CV et à l’évaluation des compétences de leadership. En outre, tous les produits numériques ne nécessitent pas nécessairement des compétences poussées. Les entreprises dotées de talents non numériques peuvent aspirer à couvrir jusqu’à 70 % de leurs besoins numériques en perfectionnant les compétences de certains de leurs employé·es. Être capable de repérer ces talents est essentiel et peut être fait grâce à des enquêtes sur les compétences, par exemple.

La décision de former une personne déjà à l’emploi ou d’embaucher une personne extérieure doit être fondée sur des critères mesurables, tels que le temps nécessaire à un·e candidat·e pour devenir totalement indépendant·e dans une fonction. Il est important d’être réaliste à la fois sur le nombre d’employé·es qui peuvent être formé·es et sur le temps nécessaire au parcours de formation et de développement. Les employé·es qui devraient être formé·es en premier sont ceux et celles qui disposent de bonnes connaissances de base et de compétences techniques et qui bénéficient d’un parrainage solide au sein de l’entreprise.

En outre, les entreprises devraient placer les personnes recrutées à l’interne à des postes qui leur permettent d’apprendre et de se développer tout en travaillant avec des ingénieur·es plus expérimenté·es, recruté∙es à l’externe ou par l’intermédiaire d’une tierce partie. De plus, un avantage parfois négligé du recrutement interne est qu’il permet de renforcer le lien entre les équipes de développement ou de produits et les opérations.

Les équipes de direction ont tendance à surestimer la vitesse à laquelle leurs employé·es peuvent être formé·es. Si vous choisissez la voie interne, vous devriez prendre en considération la vitesse à laquelle vous essayez de réaliser les cas d’utilisation. Former vos collègues en TI n’est pas chose aisée, et certains rôles sont trop spécialisés (comme les ingénieur·es en cybersécurité ou les architectes de systèmes). Dans de tels cas, il est préférable de recruter des professionnel·les spécialisé·es. Par exemple, pour obtenir une certification d’ingénieur·e de données Azure, les employé·es internes devront consacrer plus de 100 heures de travail le week-end pour terminer la formation en ligne. Cette approche ne permet pas de combler les besoins de manière instantanée.

Si vous décidez de faire la majorité du travail seuls, il paraît logique de former les talents internes, mais ne vous imaginez pas qu’un·e ingénieur·e des procédés pourra être formé·e en deux mois. À titre d’exemple, il peut falloir des années avant de devenir un·e scientifique de données ou un·e architecte technique compétent·e. À moins d’embaucher des professionnel·les hautement qualifié·es dès le départ, il est peu probable que vous obteniez le succès rapide dont votre programme a besoin pour se développer. Vous prenez le risque de mettre la réputation et la viabilité du programme en péril en décidant d’embaucher trop vite.

4. Créez un programme de formation et de développement destiné aux talents numériques

Le rythme des changements technologiques pouvant compliquer la mise en place de programmes de formation structurés, le développement des compétences doit s’étendre au-delà de la formation.3 Une combinaison de formations en cours d’emploi et de programmes d’apprentissage structurés visant à compléter les ensembles de compétences peut favoriser le développement et l’intégration des compétences de DnA. Dans ce contexte, un modèle de programme d’apprentissage pourrait être efficace, c’est pourquoi il est important d’embaucher des gestionnaires seniors avant tout. Associé·s à des employé·es plus juniors, souvent très enthousiastes à l’idée de travailler avec des professionnel·les plus expérimentés, les employé·es phares et les experts temporaires peuvent fournir un apprentissage sur le tas très utile. Cette tendance à la formation continue s’applique également aux employé·es de haut niveau, y compris aux gestionnaires et aux gestionnaires techniques supérieur·es. Idéalement, ils/elles devraient passer la moitié ou les deux tiers de leur temps à effectuer des tâches quotidiennes. De cette manière, tout le monde sera impliqué dans le développement du produit final, ce qui améliorera à la fois le perfectionnement professionnel et la rétention.

De nombreuses organisations performantes s’attachent à créer des environnements dans lesquels les employé·es peuvent s’autoformer. Par exemple, chez Google, la grande majorité des formations suivies se déroulent par l’intermédiaire d’un réseau d’employé·es à employé·es appelé « g2g » (Googler-to-Googler). Les membres du réseau, qui compte plus de 6 000 personnes, offrent leur temps pour aider leurs pairs à se développer.4

Les entreprises meneuses sont beaucoup plus enclines que les autres à récompenser les niveaux de compétences plus élevés par une meilleure rémunération (67 % contre 41 %), des avantages plus importants (64 % contre 23 %) et davantage de responsabilités (78 % contre 58 %).5 Les salarié·es comprennent qu’ils/elles doivent continuellement améliorer leurs compétences et qu’il existe de nombreux moyens de le faire, en particulier en ligne, où des cours gratuits ou abordables — qu’ils/elles peuvent suivre sur leur lieu de travail ou pendant leur temps libre — sont disponibles pour des certifications sur des compétences techniques très demandées, telles que l’apprentissage automatique ou les langages Python ou R. Même s’il est essentiel d’offrir des opportunités et des incitations aux professionnel·les ayant un fort potentiel, ils/elles n’ont pas besoin qu’on leur mâche le travail. Bien entendu, un apprentissage structuré permet de compléter les nouveaux ensembles de compétences et favorise un parcours d’apprentissage à plus long terme.

Il est très important que des parcours d’apprentissage spécifiques aux cohortes et aux rôles soient mis en place dans toute l’entreprise. Les parcours d’apprentissage des différentes cohortes — par exemple, l’équipe de responsables de l’expérience client, les ingénieur·es de données, les traducteur·trices et ceux/celles qui exploitent les produits en cours de développement — comprennent des cours en ligne et en personne afin de proposer un apprentissage à son propre rythme (pour les fondamentaux) et en groupe (interactif).

Enfin, il est important d’être réaliste. Les meilleur·es scientifiques de données passent de nombreuses années à l’école, puis travaillent pendant plusieurs années avant d’être embauché·es par des entreprises de premier plan. Il n’est pas possible de recréer un tel parcours avec un programme de formation interne de six mois.

5. Évaluer les compromis entre les résultats immédiats et le renforcement des capacités à long terme, en faisant appel à des contractants temporaires pour compléter l’exécution

L’intégration des nouvelles compétences et de la nouvelle culture est essentielle à la réussite de toute transformation. Toutefois, il y a des compromis à prendre en compte entre les gains rapides et la durabilité (Figure 2). Toutes les entreprises ont besoin de ces compétences; la question est de savoir dans quelle mesure et à quel moment.

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Les contractants peuvent contribuer à accélérer le rythme de la transformation, mais un plan de transition solide doit garantir la réussite du transfert et de l’appropriation des compétences. Plusieurs mesures peuvent contribuer à atteindre cet objectif :

  • Veiller à ce que les équipes internes s’approprient rapidement le produit — par exemple, en attribuant la responsabilité du produit en interne très tôt dans le processus de transition (même si les équipes ne sont pas encore prêtes) et en faisant appel à des expert·es externes à plein temps pour l’encadrement.
  • Impliquer les employé·es dans les équipes dès le début. Un responsable de la transformation d’une société minière a expliqué que l’organisation n’avait jamais eu d’équipes 100 % externes. Au cours des six premiers mois, 70 % du personnel était externe; six mois plus tard, c’était 50 %; et six mois après, 20 %. Bien que vous puissiez vous attendre à une proportion plus élevée de talents externes par rapport aux talents internes au début, le scénario idéal est entre 60 à 80 %.
  • Encourager les employé·es à sortir de leur zone de confort. Les membres de l’équipe interne doivent être encouragé·es à s’approprier le projet. Mais les attentes doivent être ajustées : les meilleurs talents externes peuvent être jusqu’à deux fois plus productifs que les talents internes qui sont encore en train d’apprendre les ficelles du métier. Cet écart de performance doit être pris en compte pour les attentes, en particulier lorsque le personnel externe commence à transférer le travail à ses homologues internes.
  • Enfin, il faut chercher à établir des normes solides dès le départ. Pour ce faire, vous devrez établir des protocoles et des méthodes de travail solides. Pour une société minière, les six premiers mois ont été consacrés à la codification des méthodes de travail dans un manuel en collaboration avec le consultant externe. Cette approche a porté ses fruits : lorsque de nouvelles personnes sont arrivées, le processus d’intégration et les méthodes de travail étaient clairs.

En général, il faut faire des compromis pour trouver un équilibre entre la rapidité, la durabilité et le degré d’innovation. Une itération réussie nécessite une culture capable d’échouer rapidement et de tirer les leçons de ces échecs.6 Sans cela, il est important de s’assurer que les plans fonctionnent à long terme.

Le recrutement de gestionnaires supérieur·es compétent·es servira de catalyseur à la croissance. Des propositions de valeur, des indicateurs clés de performance et des parcours de carrière soigneusement élaborés permettront d’attirer, de motiver, de faire croître et de retenir les talents. Il est essentiel de revenir régulièrement sur les décisions clés en matière de compromis, telles que la bonne combinaison de formations pour vos employé·es et la combinaison optimale de sources de talents pour équilibrer la culture, le rythme et la qualité. En réfléchissant à ces thèmes et en les adaptant, vous aiderez votre organisation en DnA à développer tout son potentiel.

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