L’essor de la technologie financière au Canada?

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Le secteur des services financiers du Canada  semble être le cas d’école d’une industrie prête à être bousculée par les technologies financières.

Premièrement, le secteur bancaire du Canada est important par rapport à celui des autres pays du G-7. En 2023, les revenus bancaires de 180 milliards de dollars représentaient 7,9 % du PIB, contre 5,8 % aux États-Unis et une moyenne de 5,6 % dans les autres économies développées. Les banques canadiennes sont également plus rentables que celles des autres économies développées (Figure 1). De même, le bassin de recettes du secteur des assurances au Canada est important. Avec des revenus estimés à 136 milliards de dollars en 2022, il est l’un des dix plus grands marchés de l’assurance au monde1. Ces caractéristiques font du Canada une cible tentante pour ceux qui souhaitent se lancer dans les technologies financières.

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Le secteur bancaire canadien est important et lucratif.

Deuxièmement, le secteur canadien des services financiers est très concentré, ce qui est souvent le signe que les innovateurs ont envie de faire bouger les choses. En 2022, les cinq premières banques ont généré plus de trois quarts des revenus bancaires, tandis que les six premières compagnies d’assurance ont généré près de 50 % des revenus du secteur2.

Troisièmement, le Canada se classe parmi les cinq premiers pays du monde ayant le taux de pénétration des téléphones intelligents, l’utilisation d’Internet et les niveaux d’éducation supérieurs les plus élevés – ce qui suggère une volonté d’adopter les nouvelles technologies3.

Pourtant, le Canada n’a pas suivi le modèle de croissance des technologies financières dans d’autres pays développés4Fintechs: A new paradigm of growth, McKinsey, 24 octobre 2023.. L’Australie par exemple, un pays avec une concentration similaire de grands fournisseurs de services financiers, s’est développée pour devenir le sixième marché mondial de la technologie financière en 20225. Le Canada n’a cependant pas été en mesure d’égaler la croissance de l’Australie et se classe parmi les cinq derniers pays développés en matière d’adoption de services bancaires numériques, de services numériques interentreprises et de solutions de technologie financière6. Par exemple, seul·es 13 % des consommateur·trices canadien·nes de services bancaires utilisent les technologies financières, contre 32 % au Royaume-Uni et 42 % aux États-Unis7. Cela laisse un énorme potentiel inexploité. Les revenus bancaires canadiens provenant des détaillants et des petites et moyennes entreprises (PME), par exemple, ont atteint 135 milliards de dollars en 2022, dont à peine 3 % sont allés aux technologies financières. C’est environ 5 milliards de dollars de moins que ce qui serait possible si les niveaux de pénétration étaient similaires à ceux des États-Unis, où la pénétration des technologies financières est de 8 % (Figure 2).

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Les technologies nancières représentent un pourcentage plus faible des revenus bancaires au Canada que dans les autres marchés.

Cela n’enlève rien aux progrès réalisés par certains acteurs des technologies financières dans certains segments du marché canadien, en particulier la gestion de patrimoine et les paiements. Wealthsimple, un service de gestion d’investissements en ligne, avait des actifs sous gestion d’une valeur de 30 milliards de dollars en 2024, par exemple, tandis que le processeur de paiements Nuvei, qui a réalisé une introduction en bourse en 2020, a traité des paiements d’une valeur de 141 milliards de dollars et a généré des revenus de 870 millions de dollars dans les neuf premiers mois de 20238.

Certaines entreprises d’infrastructure des technologies financières voient également le jour. Leur succès sera clé dans la croissance des technologies financières, dans la mesure où elles établissent l’infrastructure et les systèmes desquels dépendent l’offre de services financiers numériques. Neo Financial est l’une de ces entreprises. Elle offre des produits destinés aux consommateur·trices ainsi que des services d’infrastructure pour les paiements, les cartes et les comptes numériques. En 2023, Tim Hortons, une grande chaîne de restaurants canadienne, a choisi Neo pour propulser sa nouvelle offre de cartes de crédit9.

La question est donc de savoir ce qu’il faudra faire pour tirer parti de cet élan et pour que l’industrie canadienne des technologies financières se développe pleinement. Afin d’y répondre, nous avons interrogé plus de 40 leaders du secteur des services financiers au Canada, notamment des investisseurs, des universitaires et des leaders travaillant pour des entreprises de technologies financières, des personnes en poste et des groupes de pression. Les recherches indiquent cinq domaines dans lesquels les développements seront essentiels à la croissance de l’industrie à long terme : les habitudes des consommateur·trices, les partenariats, les financements, le paysage réglementaire et les talents.

Habitudes des consommateur·trices

Il est difficile de persuader les Canadien·nes de changer de fournisseur de services financiers. Selon les analyses de McKinsey, les services bancaires de détail représentent plus de 60 % des revenus bancaires10. L’enquête de McKinsey sur les consommateur·trices de services bancaires de détail en 2023 a montré que 61 % des répondant·es utilisaient les services de la même banque depuis dix ans ou plus et que le nombre de personnes qui pourraient être enclines à changer de banque était passé de 10 % en 2021, à 9 % en 2023. Il n’est donc pas surprenant que 40 % des leaders d’entreprises de technologie financière que nous avons interrogé·es aient souligné la difficulté d’attirer des consommateur·trices canadien·nes sur leurs plateformes.

La réticence des consommateur·trices à changer de banque pourrait s’expliquer par le fait qu’ils/elles sont satisfait·es des services qu’ils/elles reçoivent. Le taux de satisfaction de la clientèle des banques canadiennes – permettant de mesurer la probabilité que les consommateur·trices recommandent leur banque à d’autres personnes – a baissé dernièrement, mais il reste considérablement plus élevé que celui des banques en Europe, où des millions de personnes se sont tournées vers des fournisseurs numériques (Figure 3). Les Canadien·nes sont également réticent·es à changer de fournisseur, car le processus est souvent long et difficile. Par exemple, les client·es doivent dresser la liste de tous leurs comptes et paiements automatiques et transmettre ces informations à leur nouvelle banque.

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Les client·es des banques canadiennes sont plus susceptibles de recommander leur banque que les client·es des banques européen·nes.

Le chemin à parcourir

Pour attirer de nouveaux·elles client·es, la clé est de les cibler, en cherchant à gagner des parts dans des segments niches, mal desservis par les institutions financières traditionnelles. Une entreprise de technologie financière britannique a réussi à conquérir des parts de marché en ciblant les générations Y et Z, férues de technologie, qui ont été séduites par la promesse d’une expérience numérique sans faille leur permettant d’accéder 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à leurs finances dans le monde entier – chose que les banques traditionnelles n’étaient pas en mesure d’offrir à l’époque.

Au Canada, les nouveaux·elles arrivant·es pourraient constituer un segment niche. Le Canada possède un des taux d’immigration les plus élevés au monde et a accueilli environ 500 000 personnes en 2022, 60 % d’entre elles étant âgé·es de 20 à 39 ans – groupe d’âge le plus susceptible d’utiliser les technologies financières11. De nombreux immigrant·es arrivent d’Europe et de pays comme la Chine et l’Inde, où les services bancaires numériques sont plus courants, et pourraient donc être plus ouvert·es que les Canadien·nes à l’utilisation de services bancaires innovants. Comme l’a mentionné l’un·e des leaders interrogé·es « Dans les pays où la numérisation est à un stade plus avancé, les gens n’utilisent plus de chèques. Ici, nous en utilisons encore beaucoup. » (En 2023, 28 % de la valeur totale des paiements canadien·nes étaient classés comme des paiements papiers, tels que des chèques12.)

Les technologies financières pourraient aussi rencontrer le succès en proposant des services financiers qui ne sont généralement pas offerts aux nouveaux·elles arrivant·es, comme des facilités de crédit ou l’établissement d’un processus d’intégration pour simplifier l’ouverture d’un compte. L’absence d’un dossier de crédit ou d’une adresse peut compliquer l’accès aux services financiers des nouveaux·elles arrivant·es.

En offrant les bons produits, les opportunités peuvent aussi se trouver au niveau des client·es de banques traditionnelles. Le Canada a un taux élevé en matière d’inclusion financière – environ 98 % en 202113 – ce qui laisse très peu de place aux entreprises de technologie financière pour bâtir une base de clientèle en ciblant des client·es de services bancaires de détail entièrement nouveaux·elles. Elles peuvent cependant offrir de nouveaux services aux client·es des banques. Par exemple, notre analyse montre que plus de 20 % des revenus des services bancaires de détail proviennent de résident·es âgé·es de 18 à 44 ans ayant des revenus faibles à modérés, et dont la majorité n’utilise que très peu de services bancaires14. « Le problème n’est pas que les résident·es du Canada ne soient pas bancarisé·es, mais qu’ils/elles soient sous-bancarisé·es », explique l’un·e des leaders d’une entreprise de technologie financière. La plupart de ces client·es de banques pourraient être attiré·es par une solution technologique qui les aiderait à suivre et à gérer leurs dépenses, par exemple.

Partenariats avec des banques traditionnelles

La plupart des banques traditionnelles ont d’abord considéré les technologies financières comme une menace. Aujourd’hui cependant, les partenariats entre deux parties sont plus souvent considérés comme un avantage mutuel et sont donc devenus communs dans de nombreux marchés développés. En 2021, les banques traditionnelles des États-Unis avaient chacune en moyenne 2,5 partenariats avec des entreprises de technologie financière, contre seulement 1,3 en 201 915.

Au Canada, les partenariats restent rares. Certaines caisses populaires et petites et moyennes banques travaillent avec des entreprises de technologie financière, comme ATB Financial16 et Equitable Bank17. Mais 68 % des leaders, des investisseurs et des universitaires que nous avons interrogé·es ont fait part des défis associés aux partenariats entre les banques et ces entreprises. Notamment des cycles de vente longs (jusqu’à 24 mois), des exigences coûteuses et complexes en matière de gestion des risques et de la conformité et des clauses d’exclusivité rigoureuses. « Aux États-Unis, les banques sont beaucoup plus enclines à établir des partenariats avec les entreprises de technologie financière et à les utiliser comme canal d’acquisition de consommateur·trices », a remarqué l’un·e des leaders interrogé·es.

Les banques traditionnelles décrivent également des difficultés dans l’établissement de partenariats à cause d’exigences très strictes en matière de conformité réglementaire. Certaines estiment que les partenariats formés jusqu’à présent ont été décevants, se révélant souvent n’être ni plus ni moins que des relations avec des fournisseurs. Elles indiquent également faire face à un manque d’entreprises de technologie financière canadiennes de premier rang avec lesquelles établir des partenariats.

Le chemin à parcourir

Pour établir plus de partenariats, la clé serait une meilleure compréhension des avantages pour toutes les parties. Les banques traditionnelles devraient également s’assurer de ne pas négliger les opportunités de partenariats locaux parce qu’elles pensent avoir besoin de partenaires mondiaux. Il existe deux types de partenariats. Le premier est un modèle facilitateur de technologies financières, dans lequel les banques traditionnelles exploitent l’innovation et l’agilité de ces technologies pour optimiser leurs propres processus internes, en adoptant des technologies et des modèles d’entreprise éprouvés (et parfois des bases de consommateur·trices). Les économies de coûts sont également possibles. Le second est un modèle de fournisseur d’infrastructure, dans lequel les entreprises de technologie financière exploitent des parties de l’infrastructure technologique d’une banque, notamment les licences et l’infrastructure de paiement, pour réduire le coût et le temps associés à la mise sur le marché de leurs propres produits.

Dans les deux modèles, les partenaires partagent les risques et les gains et contribuent en fin de compte à la croissance du secteur des services financiers en offrant aux consommateur·trices un plus grand nombre de fournisseurs parmi lesquels choisir et des produits plus sophistiqués. Tink, une plateforme infonuagique européenne, est un exemple de modèle facilitateur. Grâce à son partenariat avec plus de 6 000 institutions financières, Tink a bâti une plateforme bancaire ouverte qui connecte les fournisseurs de services financiers aux données financières des consommateur·trices, aidant ainsi les fournisseurs à effectuer des évaluations d’intégration rapides et à attirer et fidéliser la clientèle18.

La croissance du secteur des technologies financières dépend inévitablement de la disponibilité de capitaux pour soutenir les entreprises en croissance.

Financement

La croissance du secteur des technologies financières dépend inévitablement de la disponibilité de capitaux pour soutenir les entreprises en croissance. Et même s’il n’y a aucune pénurie de capital-risque au Canada, le marché des technologies financières aux États-Unis reste une cible de choix pour les investisseurs en raison de sa taille et de sa maturité. Cinquante pour cent des investisseurs que nous avons interrogés ont confié avoir également investi dans les entreprises de technologie financière aux États-Unis. Le financement par capital-risque a tendance à bien fonctionner sur les marchés dotés de pôles technologiques tels que la Silicon Valley, ce qui fait défaut à l’écosystème canadien des technologies financières.

Les chiffres relatifs aux financements reflètent l’attrait pour des marchés plus grands et plus matures. Entre 2017 et 2023, les financements par capital-risque pour les entreprises de technologies financières ont atteint 1,8 % par an, en moyenne, contre 18 % aux États-Unis19. De nos jours, le financement canadien des entreprises de technologie financière en pourcentage des revenus bancaires est similaire à celui de l’Australie, comparativement à des marchés matures plus importants tels que ceux du Royaume-Uni et des États-Unis, et 60 % des leaders d’entreprises que nous avons interrogé·es ont déclaré qu’ils/elles avaient rencontré des difficultés pour obtenir un financement local (Figure 4).

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Les marchés de technologies nancières plus importants et plus matures attirent plus de nancements que le Canada par rapport aux revenus bancaires.

Le chemin à parcourir

D’autres investisseurs pourraient se manifester à mesure que les conditions économiques se détendent et que les taux d’intérêt baissent. Lorsque ce sera le cas, notre analyse suggère qu’il sera important de répartir plus uniformément les financements entre les différentes catégories afin de stimuler la croissance du secteur. Entre 2018 et 2023, le financement des entreprises en phase finale a augmenté de 13 % par an, tandis que le financement en phase intermédiaire a chuté d’environ 23 % et que le financement d’amorçage en phase initiale a stagné20. Sans un financement accru en phases initiale et intermédiaire, il sera difficile de soutenir une croissance plus importante dans le secteur.

Les financements à un stade plus précoce sont susceptibles d’augmenter en même temps que la confiance des investisseurs, à mesure que de nouvelles technologies se développent et connaissent le succès, rejoignant les rangs de Verafin, une entreprise canadienne de technologie réglementaire qui a été vendue pour 2,75 milliards de dollars en 202121. De plus, les fondateurs de rachats réussis pourraient bien devenir des investisseurs providentiels pour les nouvelles entreprises en démarrage. Les dirigeants de l’entreprise PayPal, rachetée par eBay en 2002, ont ensuite financé d’autres entreprises en démarrage dans la Silicon Valley, notamment Affirm, Facebook, Stripe, Square et YouTube22. Les dirigeants de l’entreprise canadienne de logiciels Research In Motion, créatrice du téléphone portable BlackBerry, ont investi dans d’autres entreprises du pôle canadien de haute technologie dans la région de Waterloo23.

Le financement des solutions de technologie financière interentreprises devrait stimuler la croissance du secteur. Les solutions d’infrastructure, par exemple, ne soutiendront pas seulement l’ensemble de l’écosystème des technologies financières, mais pourraient également leur offrir un avantage concurrentiel sur les banques traditionnelles dont l’infrastructure existante peut être lente, peu flexible et coûteuse. « L’infrastructure traditionnelle des services financiers est aujourd’hui relativement obsolète et archaïque », a déclaré l’une des personnes interrogées.

Le financement de solutions de technologie financière pour les PME pourrait également stimuler la croissance; les PME sont depuis longtemps mal desservies par les fournisseurs de services financiers traditionnels sur les marchés du monde entier, bien qu’elles représentent environ 90 % des entreprises, selon une étude de McKinsey24Fintechs, 24 octobre 2023.. Le marché canadien n’est pas différent.

Toutefois, l’augmentation du financement dépend en grande partie des technologies financières elles-mêmes. Les investisseurs sont plus enclins à soutenir les entreprises qui créent des produits révolutionnaires et des propriétés intellectuelles de grande valeur qui s’avèrent concurrentielles sur la scène mondiale. Pourtant, plus de 30 % des investisseurs interrogés ont déclaré que le manque d’innovation était l’une des raisons pour lesquelles ils ne finançaient pas davantage d’entreprises de technologie financière canadiennes; estimant qu’il y avait trop de produits et de solutions similaires.

Paysage réglementaire

L’évolution de la réglementation jouera un rôle clé dans la croissance des technologies financières au Canada. Sur certains marchés où les technologies financières sont établies, les régulateurs ont encouragé les nouveaux entrants en créant, par exemple, des régimes d’autorisation à plusieurs niveaux qui s’alignent sur le risque de leurs offres, et en introduisant ce qui est considéré comme des réglementations favorables à l’innovation, afin de faciliter les systèmes de paiement en temps réel et les services bancaires ouverts. Les services bancaires ouverts permettent aux tiers d’accéder aux données financières des consommateur·trices, avec leur accord, ce qui facilite l’identification d’offres de produits adaptées, ou le transfert du compte courant d’un·e client·e à une autre banque, par exemple.

Les organismes de réglementation du système financier canadien, qui ont longtemps été un modèle international de stabilité et de sécurité, sont de plus en plus prudents. Le Canada est, par exemple, l’un des rares marchés de l’OCDE à ne pas disposer d’un cadre réglementaire défini pour les services bancaires ouverts25. De nombreuses personnes interrogées ont déclaré qu’elles étaient confrontées à la difficulté de s’y retrouver dans la réglementation du pays alors qu’elles identifient des opportunités d’innovation et de croissance.

Le chemin à parcourir

Le paysage réglementaire pourrait changer. En décembre 2023, le gouvernement fédéral a entamé un processus de consultation afin d’examiner les mesures qu’il pourrait éventuellement prendre afin de renforcer la concurrence dans le secteur financier, notamment des mesures susceptibles de soutenir les technologies financières26. Il a également annoncé son intention de présenter le budget pour la législation-cadre sur les services bancaires ouverts en 202427, et travaille à la mise en place d’un système de paiement en temps réel. Ces changements pourraient contribuer à accélérer la croissance du secteur, à renforcer la concurrence et à réduire les coûts pour les consommateur·trices.

Talents

L’innovation sur un marché est liée à la disponibilité des talents, qui est elle-même renforcée par la qualité de l’éducation. Dans ce contexte, le Canada est prêt à soutenir un écosystème de technologies financières florissant. Elle s’enorgueillit d’un excellent système éducatif qui produit un pourcentage élevé de diplômé·es en STIM par rapport à la population. En 2020, 24 % des Canadien·nes étaient diplômé·es en STIM, contre 18 % aux États-Unis28. Les compétences numériques du pays se développent également rapidement. En 2022, Calgary, Toronto et Vancouver ont connu une croissance des compétences numériques de 6,3 %, dépassant celles de New York, San Francisco et Seattle, où la croissance moyenne était d’environ 4,7 %29.

En outre, les immigrant·es du Canada tendent à atteindre un niveau d’éducation plus élevé. En 2023, 68 % des immigrant·es admis·es sur le territoire ont obtenu un certificat d’études postsecondaires ou un diplôme universitaire30. Le système éducatif du Canada et le nombre d’immigrant·es ayant un niveau de scolarité avancé expliquent pourquoi le pays a été à l’avant-garde d’importantes innovations ces dernières années. Les entreprises implantées à Toronto et à Montréal ont joué un rôle déterminant dans le développement de l’IA, par exemple.

Le manque de talents plus expérimentés dans le secteur reste toutefois un obstacle à franchir dans le domaine des technologies financières. Certaines personnes interrogées ont déclaré que si les postes subalternes pouvaient être pourvus, il était plus difficile de trouver des cadres supérieur·es ayant l’expérience de la croissance d’une entreprise en démarrage – des personnes qui « ont déjà assisté au spectacle », comme l’a dit l’une d’entre elles. « Nous essayons de passer de la phase de démarrage à la phase d’expansion, et il est difficile de trouver des cadres talentueux qui ont déjà assisté au spectacle à plusieurs reprises et qui ont fait l’expérience de la croissance d’une entreprise de 20 à 50 puis à 1 000 consommateurs. Il semble que le vivier de talents se réduise à mesure que nous grandissons », nous a confié l’une des personnes interrogées. Vingt-neuf pour cent des leaders d’entreprises de technologie financière interrogé·es ont déclaré avoir eu du mal à recruter des talents locaux expérimentés.

Le chemin à parcourir

La difficulté de trouver des talents expérimentés s’atténuera probablement au fur et à mesure que l’écosystème gagnera en maturité. De même que les fondateur·trices d’entreprises qui ont percé pourraient financer davantage d’entreprises en démarrage dans le domaine des technologies financières au Canada, ils/elles pourraient également contribuer à promouvoir la croissance de ces entreprises en jouant le rôle de conseiller·ères.

Le gouvernement peut également envisager d’attirer au Canada des talents expérimentés dans le domaine des technologies financières en promouvant davantage les initiatives et les programmes existants destinés à encourager les entrepreneurs et les investisseurs d’ailleurs à s’installer au Canada.


Le secteur canadien des technologies financières semble promis à la croissance. Les offres de produits adéquates sont susceptibles d’attirer les nombreux·euses consommateur·trices canadien·nes qui maîtrisent le numérique et sont ouvert·es à l’innovation. L’amélioration des conditions financières entraînera probablement une augmentation du financement des technologies financières – financement qui pourrait s’avérer particulièrement puissant s’il était réparti plus uniformément entre les différents stades de maturité et axé davantage sur les solutions interentreprises. Les partenariats entre les banques traditionnelles et les entreprises de technologie financière ont le potentiel de bénéficier aux deux parties. Il y a des signes de changement sur le front de la réglementation, et une abondance de talents pour aider à développer de nouveaux produits.

Néanmoins, il est difficile de dire quand l’industrie canadienne des technologies financières atteindra son plein épanouissement, étant donné qu’elle dépend des progrès réalisés dans tous les domaines évoqués. En outre, il est peu probable que les progrès soient répartis uniformément dans l’ensemble du secteur. Certaines catégories peuvent rapidement offrir de formidables opportunités, tandis que d’autres peuvent stagner, que ce soit en raison des tendances mondiales ou des particularités du marché canadien. Les entreprises de technologie financière, les banques traditionnelles et les investisseurs devront donc placer leurs paris avec une extrême prudence. Il n’en reste pas moins que le secteur recèle d’importantes opportunités inexploitées que les acteurs intéressés doivent se préparer à saisir.

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